Hyperbole et litote

Hyperbole et litote

L’hyperbole est la figure de rhétorique qui consiste à dire beaucoup pour faire comprendre un peu. « Je vais t’exploser ton cartable », dit un gamin de CM1, en shootant dans un sac dans la cour de récré.
Les jeunes s’expriment par hyperboles.

Les litotes, c’est le contraire. On dit un peu, mais pour décrire beaucoup. « Lefuneste, vous me permettrez de témoigner un certain agacement », déclare Achille Talon, en défonçant le crâne de son voisin Lefuneste à coups de hache.
Les vieux s’expriment par litotes. Quand Chimène dit à Rodrigue : « Va, je ne te hais point », au lieu de lui dire : « Je t’aime », c’est un truc de vieux.

Aux échecs, c’est la même chose. Les futurs Carlsen jouent comme les héros de mangas parlent. C’est flamboyant.

Quand ils se rendent compte que moi, avec mes coups prophylactiques, je suis dans la litote, tendance Achille Talon, ils ouvrent, de l’autre côté de l’échiquier, les mêmes yeux démesurés et scandalisés que les héros des BD japonaises.

Eux, c’est tout pour l’attaque.

Alors que moi, je commence à ressembler à Achille Talon : Embonpoint, calvitie, et, comme la vieillesse enseigne la méfiance, jeu positionnel. Mon Roi est un pantouflard à l’abri de l’EHPAD de ses pions ou un dictateur enfoui sous son bunker. En tous cas, ce n’est pas brillant. Cette prudence scandalise. En plus, elle est inefficace, car il est beaucoup plus difficile de défendre que d’attaquer.

Bref, les vieux n’ont pas la cote. Leur jeu est ennuyeux. Leurs litotes ne font plus peur aux jeunes. Quand don Corleone dit sa fameuse litote : « Aldo, je vais te faire une offre que tu ne pourras pas refuser », désormais tout le monde rigole, et don Corleone finit percé de balles, comme mon pauvre Roi à la fin de la partie.

« Tu as déjà pris un risque dans ta vie, Jean-Michel ? » me dit parfois un futur Carlsen, apitoyé. Je lui répond : « Ouaip, le jour où j’ai pris un livret de Caisse d’Epargne.

A bientôt, les futurs Carlsen ! Mangez des pâtes !

Jean-Michel Labourdique

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