Vous avez les Blancs. Vous avez le trait. Votre Fou en c4 est cloué. Votre Roi ne semble pas être en sécurité. Si vous étiez assis devant l’échiquier lors d’une partie réelle, auriez-vous le réflexe de défendre cette position, en jouant 1.b3 pour protéger votre Fou ? Si c’est le cas, vous n’appliquez certainement pas de méthode rationnelle de réflexion. Car dans cette position les Blancs peuvent gagner brillamment !
Mais là, il s’agit d’un problème d’échecs. Et celui-ci est plutôt facile à résoudre, car vous savez que vous pouvez mater le Roi noir en quatre coups.
(Vous pouvez faire défiler les coups sur l’échiquier ci dessous.)
1.Cxg6+! La réponse des Noirs est forcée : 1…fxg6 2.Dg8+! Le sacrifice de la Dame blanche force le Roi à se rendre sur la case g8 : 2…Rxg8 3.Ce7+ L’échec double infligé par les Blancs force le Roi à bouger sur la seul case de fuite : Rf8 4.Cxg6# 1-0
C’est l’unique problème connu que l’on attribue à Paul Morphy. Il l’aurait composé en 1849, à l’âge de douze ans, à La Nouvelle-Orléans, la ville qui l’a vu naître en 1837. Son oncle, Ernest Morphy, partage ce problème dans une lettre adressée le 10 juin 1856 à un éditeur de la rubrique Échecs d’un journal New Yorkais, le Clipper. Ce dernier publie le problème de Paul Morphy le 28 juin 1856.
Le premier champion du Monde ?
En 1857, Paul Morphy participera au premier congrès américain d’échecs. Il y battra tous ses adversaires et deviendra ainsi le premier champion des États-Unis. En 1858, il se rendra en Angleterre, où il battra les meilleurs joueurs anglais, puis au Café de la Régence à Paris, haut-lieu des échecs français de l’époque. Il y affrontera avec succès les plus illustres joueurs européens. Il sera le vainqueur d’un célèbre match contre Daniel Harrwitz, considéré alors comme le meilleur joueur en France. Il gagnera ensuite le match disputé contre Adolf Anderssen, venu spécialement d’Allemagne pour le rencontrer.
C’est pendant cette période que Morphy jouera la célèbre partie de l’opéra à l’Opéra de Paris en 1858, contre le duc Charles II de Brunswick et le comte Isoard de Vauvenargues, qui jouaient tous les deux avec les pièces noires en se consultant. Au printemps 1859, il retournera en Angleterre. Jouissant alors d’une grande notoriété, il y sera proclamé « champion du Monde », avant de rentrer au États-Unis en mai 1859.
Vers 1860, il arrêtera de se consacrer aux échecs, considérant que cela n’est pas une occupation sérieuse. Il refusera de jouer des parties officielles et tentera de faire carrière dans le droit. Mais la guerre civile éclate aux États-Unis en 1861 et perturbe ses projets. Il finira sa vie oisif et déprimé et mourra en 1884, à l’âge de 47 ans.
De nos jours, la plupart des historiens du jeu considèrent Paul Morphy comme étant un champion du monde « officieux ». Car le premier véritable championnat du Monde n’a eu lieu que plus tard, en 1886.
Le problème
Les Blancs ont le trait et doivent mater les Noirs en deux coups.
À vous de jouer !
La solution
En examinant attentivement cette position relativement simple, on s’aperçoit que si les Noirs avaient le trait, il n’auraient pas un grand choix de coups ! Leur Roi ainsi que le pion b8 ne peuvent pas bouger. Si le Fou quittait la case b8, il n’assurerait plus la protection du pion a7 et les Blancs pourraient mater en jouant Txa7#. Il est donc obligé de rester sur sa case. Le pion a7 ne pourrait pas capturer le pion b6 puisqu’il est cloué par la Tour blanche en a2. Il ne pourrait pas non plus avancer de deux cases car après 1…a5 2.Txa5+ Fa7, les Blancs matent avec Txa7#. Le seul coup que les Noirs pourraient jouer, s’ils avaient le trait, serait d’avancer leur pion a7 en a6.
Les Blancs doivent donc empêcher les Noirs d’effectuer le seul coup qui ne perd pas immédiatement, en jouant le subtil :
1.Ta6!
Les Noirs sont maintenant en Zugzwang, c’est-à-dire qu’ils sont obligés de jouer un mauvais coup. Ils ont le choix entre deux coups perdants :
1…bxa6 2.b7#
Ou :
1…Fc7 (ou tout autre coup du Fou sur la diagonale c7-h2). Le Fou ne protège alors plus le pion a7. 2.Txa7#
Vous pouvez faire défiler les coups de la solution, en cliquant sur les boutons en dessous de l’échiquier, ou cliquer sur un coup noté dans la liste à droite de l’échiquier pour voir la position.
Sources : Paul Morphy – Le Champion d’Échecs de Frederick M. Edge, traduit et commenté par J. Schwindling, édition BoD
Voici une situation délicate qui arrive parfois dans la phase finale d’une partie d’échecs ! Malgré une avance matérielle considérable qui semble promettre la victoire, la position avantageuse ou l’initiative de l’adversaire menace de faire basculer la partie !
Le problème
Dans cette position, les Blancs ont une Tour et un pion d’avance par rapport aux Noirs. Mais les Noirs menacent d’amener leur pion sur la case de promotion en e1 et de faire une Dame, alors que les pions blancs sont loin de pouvoir faire de même.
Les Blancs peuvent-ils malgré tout s’en sortir ? Peuvent-ils gagner ?
Les Blancs ont le trait.
À vous de jouer !
La solution
(Vous pouvez faire défiler les coups sur l’échiquier situé à la fin de cet article.)
Pour gagner, les Blancs vont menacer de prendre le pion e2 en jouant le coup extraordinaire :
1.Td2!!
Les Noirs ont alors deux possibilités, soit mener leur pion à Dame en e1, soit prendre la Tour en d2, mais aucune n’est satisfaisante.
La première réponse possible des Noirs est perdante pour eux, car s’ils décident de mener leur pion sur la case de promotion en jouant 1…e1D, ils ne profiteront pas de leur nouvelle Dame, car les Blancs jouent 2.Tb2. Le Roi n’a que deux cases de fuite : Si 2…Ra1 alors 3.Ta8+Da5 4.Txa5# et si 2…Rc1 alors 3.Tc8+ Dc3+ 4.Txc3#.
La seconde réponse possible des Noirs est également perdante pour eux, car s’ils acceptent le sacrifice des Blancs et décident de prendre la Tour d2 en jouant 1…Txd2, les Blancs répondent par 2.Th1+. Les Noirs sont alors forcés de parer l’échec par 2…Td1.
Les Blancs jouent alors leur deuxième coup brillant en sacrifiant leur seconde Tour : 3.Te1!! Les Noirs n’ont alors guère le choix. Leur pion e2 est bloqué, la Tour d1 est clouée et un mouvement de Roi permettrait aux Blancs de capturer le pion noir en ne laissant aucune chance aux Noirs d’arrêter la promotion du pion blanc e6. Ils sont donc obligés de jouer 3…Txe1. Les Blancs ont sacrifié leurs deux Tours mais leur pion e6 ne peut plus être pris ! Les Blancs avancent donc leur pion : 4.e7! Même si les Noirs jouent 4…Td1 pour préparer la promotion de leur pion e1, les Blancs font une Dame en premier en jouant 5.e8D. 5…e1D (5…Td3+ est une tentative de contre-attaque noire malheureusement vouée à l’échec : 6.Rc4 Td2 7.De4+ Ra1 8.De5+ Rb1 9.De4+ Ra1 10.g4 Tc2+ 11.Rd3 (La Dame blanche ne peut pas prendre la Tour, sous peine de voir les Noirs réussir leur promotion en e1.) 11… Rb2 12.Db4+ Ra1 13.Rxc2 e1D 14.Dxe1+ Ra2 15.Da5#.) 6.Dg6+ et les Noirs ne pourront plus éviter le mat, tout au plus le retarder : 6…Ra1 7.Df6+ De5 (7…Rb1 8.Db2#) 8.Dxe5+ Td4 (8…Rb1 9.Db2#) 9.Dxd4+ Rb1 10.Db2# 1-0.
Vous pouvez faire défiler les coups de la solution, en cliquant sur les boutons en dessous de l’échiquier, ou cliquer sur un coup noté dans la liste à droite de l’échiquier pour voir la position dans les différentes variantes.
Il y a quelques mois, je vous avais présenté un problème d’échecs très esthétique intitulé La Danse des Dames. Cette fois-ci encore il pourrait s’intituler ainsi, tant la solution est belle. Ce n’est pas un problème d’une grande difficulté, bien au contraire. Mais il montre le génie de certains compositeurs de problèmes d’échecs pour créer des positions où les pièces semblent danser un ballet très artistique.
Le problème
Les Blancs ont le trait et gagnent.
À vous de jouer !
La solution
1.Dh8+ Df6 (si 1…Rf4 seule case de fuite, alors 2.Dh2+ gagne la Dame noire grâce à l’enfilade) 2.Db8+ Dd6 (si 2…Rd4 alors 3.Db2+ gagne la Dame noire) 3.Db2+ Dd4 (si 3…Rf4 4.Dh2+ gagne la Dame noire) 4.Dh2+ Df4 (si 4…Rf6 5.Dh8+ gagne la Dame noire) 5.Dh8+ Rd6 (seul coup, puisque la Dame noire ne peut pas aller sur la case f6 pour parer l’échec à cause du pion en f5) 6.Db8+ Rc5 (ou 6…Red7 ou 6…Re7, cela revient au même) 7.Dxf4 et les Blancs sont gagnants.
Vous pouvez faire défiler les coups de la solution en cliquant sur les boutons en dessous de l’échiquier ou cliquer sur un coup noté dans la liste à droite de l’échiquier pour voir la position.
On dirait une belle mécanique, mais le pion f5 est le grain de sable qui fait que celle-ci s’enraye et ne peut pas se prolonger en tournant à l’infini.
Les échecs ne sont pas seulement un jeu ou un sport. Ils sont également un art, comme nous l’avons déjà mentionné plusieurs fois dans de précédents articles.
Les compositeurs de problèmes d’échecs cherchent souvent à intégrer une dimension esthétique à leurs positions. Le problème proposé ci-dessous, facile et accessible à tous, est un parfait exemple de beauté chorégraphique !
Le problème
Les Blancs ont le trait et matent en 21 coups forcés.
À vous de jouer !
La solution
Avez-vous vraiment besoin de voir la solution ? Vous avez sans doute trouvé. Car ce n’est pas un problème d’échecs, c’est juste une petite œuvre d’art !
Mais on ne va pas en faire tout un cinéma ! Voici donc la solution. Silence, on tourne !
Ce problème n’est vraiment pas facile, comparé à la plupart des problèmes de mat en deux coups ! Les cases c5, d5, e5, f5 et c2 sont parfaitement protégées par les Noirs. Tous les coups des Blancs faisant échec au Roi noir ne mènent à rien d’autre qu’à une perte de matériel sans suite intéressante.
Et pourtant, il y a bien un coup des Blancs qui laisse les Noirs sans aucune défense efficace et qui leur permet de mater, quel que soit le coup joué par les Noirs :
1.Da5!
Le Roi noir n’est pas en échec. Mais quel coup peuvent jouer les Noirs maintenant ?
Même si leurs pions sont tous bloqués, ils ont quatre pièces sur la huitième rangée qui semblent puissantes et libres de leurs mouvements. Mais, hélas pour eux, tous les coups possibles sont mauvais et permettent aux Blancs d’infliger un échec et mat au coup suivant. Les Noirs sont en Zugzwang, c’est à dire dans l’obligation de jouer un mauvais coup !
Voici toutes les 15 réponses noires possibles :
1…Fb7? abandonne la protection de la case f5. 2.Cf5# 1…Fd7? bloque l’action de la Tour d8 et permet 2.Dd5# 1…Fe6? bloque l’action de la Tour e8 et permet 2.De5# 1…Ff5? 2.Dxf5# 1…Fc5? supprime la seule case de fuite du Roi noir. 2.Da1# 1…Fd6? bloque l’action de la Tour d8 et permet 2.Dd5# 1…Fe7? bloque l’action de la Tour e8 et permet 2.De5# 1…Fg7? ne protège plus le pion b4. 2Dxb4# 1…Fh6? ne protège plus le pion b4. 2Dxb4# 1…Td7? bloque la diagonale du Fou c8. La case f5 n’est plus protégée. 2.Cf5# 1…Td6? bloque la diagonale du Fou f8 qui ne protège plus le pion b4. 2Dxb4# 1…Td5? 2.Dxd5# 1…Te7? bloque la diagonale du Fou f8 qui ne protège plus le pion b4. 2Dxb4# 1…Te6? bloque la diagonale du Fou c8. La case f5 n’est plus protégée. 2.Cf5# 1…Te5? 2.Dxe5#
L’auteur
Ce problème a été composé par Sam Loyd (1841-1911) et publié pour la première fois dans Boston Gazette. Sam Loyd était un compositeur américain de casse-tête numériques et logiques et de problèmes mathématiques récréatifs. Il a publié son premier problème d’échecs à l’âge de 14 ans. Il a composé plus de 700 problèmes d’échecs variés, poétiques esthétiques et originaux.