Hans Fahrni est né le 1er octobre 1874 à Prague. Il joue de la flûte et des échecs depuis son plus jeune âge. Il a connu ses premiers succès aux échecs en Suisse. Son frère, Paul Fahrni, a d’ailleurs été Champion de Suisse des échecs, ex-aequo avec Oscar Corrodi en 1892.
Il va ensuite émigrer en Allemagne.
Après un apprentissage de photographe interrompu et une maladie, il est renvoyé de la légion étrangère. C’est alors le véritable début de sa carrière de joueur d’échecs.
En 1904, il devient champion de la Fédération Allemande des Échecs.
Hans Fahrni, premier joueur d’échecs professionnel suisse
En 1908, il remporte ses premiers grands tournois. En 1909, Hans Fahrni gagne le tournoi de Munich, devant Savielly Tartakower, Semyon Alapin et Rudolf Spielmann.
Mais c’est en 1911 qu’il célèbre son plus grand succès en remportant le tournoi de maîtres à San Remo, devant Lowtzky, Forgacs, Kostić, Przepiórka, Gunsberg et Réti. La même année, il établit à Munich un record du monde en affrontant plus de cent joueurs en partie simultanée.
Son meilleur score a été évalué en décembre 1906 à 2557 points Elo historiques. Il a atteint le 20e rang du classement mondial, avec un score légèrement inférieur, en janvier 1917.
Théoricien et compositeur de problèmes
Le déclenchement de la Première Guerre Mondiale ruine son existence. En 1916, Hans Fahrni est traité pour la première fois pour des troubles liés à l’anxiété et interné dans un hôpital psychiatrique. Mais il parvient tout de même à publier son premier ouvrage : La Finale aux Échecs (« Das Endspiel im Schach », Leibzig, 1917).
Parce qu’il est alors considéré comme dangereux, Hans Fahrni est expulsé d’Allemagne vers la Suisse et hospitalisé à la clinique psychiatrique de Waldau près de Berne. Après une amélioration de son état, il participe à des tournois dans toute la Suisse. Mais son état s’aggrave à nouveau en 1921. Il a des hallucinations qui le conduiront à être à nouveau interné à la clinique de Waldau.
Hans Fahrni s’occupe alors intensément d’échecs artistiques. Il occupe son temps à publier des articles sur les échecs dans les journaux ou pour des magazines spécialisés. Il est le premier compositeur suisse à réaliser plus de 150 études assez proches de positions issues de parties réelles, dont 83 avec le Néerlandais Johannes Willem Keemink*.
En mai 1922, Hans Fahrni publie le traité La Défense Alekhine (première monographie sur ce thème, « Die Aljechin-Verteidigung, eine schachtheoretische Analyse », Berne, 1922).
Il donne des leçons d’échecs en privé, et a donc un peu d’argent en poche. À la clinique de Waldau, il joue aussi régulièrement avec son médecin et affirme que le docteur ne supporte pas de perdre. Il est aussi parfois autorisé à participer à des tournois à l’étranger, comme celui de 1925 à Vienne.
Une fin de vie entre art et folie
Hans Fahrni se consacre également beaucoup à l’art, à la clinique de Waldau. À partir de 1921, il réalise de nombreux dessins qu’il signe « H. F, Maître d’échecs ».
Alors qu’il séjourne dans un hôtel à Zurich pendant un tournoi, il est remarqué par son excentricité. Il achète plusieurs kilos de sucre en morceaux, qu’il arrose avec de l’eau de Cologne et qu’il jette dans la rue. Le contenu de sa valise s’envole alors par la fenêtre de sa chambre d’hôtel, suivi des meubles.
Hans Fahrni reste violent jusqu’à la fin de sa vie et meurt le 28 mai 1939 à la clinique de Waldau, à Ostermundigen près de Berne, d’une embolie pulmonaire.
Le problème
Dans ce problème publié en 1923, les Blancs ont le trait et matent en 8 coups.
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*) Johannes Willem Keemink
(Pays-Bas, 22/04/1900 – 02/02/1984) On ne sait pas grand chose de ce compositeur qui a joué un match avec M. Euwe en 1920. Cependant, il a laissé des études d’échecs composées en coopération avec Hans Fahrni, qui ont été publiées dans ce livre : « Het Eindspel, Handleiding voor Schakers door Hans Fahrni & J. W. Keemink Jr. » (G. B. van Goor, Zonen Gouda, 1928).
Sources :
Der letzte Kontinent (Limmat Verlag, Zürich, 1997). Sous-titre : Bericht einer Reise zwischen Kunst und Wahn
Si les échecs sont un art, alors ses compositeurs sont ses meilleurs artistes.
Steffen Slumstrup Nielsen, né en 1975, est un joueur d’échecs, compositeur et journaliste danois. Possèdant un esprit créatif de premier ordre, il s’est forgé un style unique, qu’il décrit lui-même comme hautement tactique ou visuel, s’appuyant fortement sur des thèmes particuliers.
Il s’est sérieusement intéressé à la composition d’échecs il y a moins de dix ans. Si l’on considère le fait qu’un bon nombre de compositeurs ont des carrières couvrant trois ou quatre décennies, on peut considérer que Stesffen Nielsen est encore relativement novice dans cet art. Et pourtant, comme beaucoup de ses collègues l’attesteront volontiers, il a déjà gravi les échelons les plus élevés de son domaine. Il est sacré champion du monde de composition d’échecs en 2022, après avoir déjà remporté le bronze en 2018. Outre le titre mondial, Steffen Nielsen a remporté plusieurs autres prix pour la composition d’échecs, tels que le prestigieux tournoi de la Coupe du Monde FIDE 2016 et un tournoi dédié au 60ème anniversaire du Grand Maître International Jan Timman en 2011.
Steffen Nielsen a apporté des contributions significatives dans le domaine des études d’échecs et particulièrement des finales. Il est le co-auteur du livre Endgame Labyrinths.
Voici donc un problème composé par Steffen Nielsen.
Il semble évident que, pour toucher le Roi noir, les Blancs doivent exploiter la diagonale blanche a2-g8, à l’aide de leu Dame et de leur Fou. Mais si 1.Dd5+ Rf8, l’action du Fou blanc pour participer à l’attaque du Roi noir sur cette diagonale est maintenant impossible. Car la case d5, sur laquelle il pourrait se rendre, est déjà occupée par la Dame.
Le premier coup est donc :
1.De6+!
Si le Roi noir tente de fuir par 1…Rf8, le mat est imparable après 2.Fd5. Car les Noirs n’ont aucune possibilité de se défendre contre 3.Df7#.
La seule alternative pour les Noirs est de prendre la Dame :
1…Rxe6
Le coup suivant consiste alors à continuer d’extraire le Roi noir de sa cachette à l’aide du Fou :
2.Fd5!+ Rxd5 (coup forcé)
3.Te4!
Le Roi noir n’a plus aucune case de fuite. Mais il n’est pas en échec et n’est donc pas obligé de prendre la Tour en e4. Mais s’il joue n’importe quel autre coup, les Blancs vont l’y obliger au tour suivant, en jouant 4.Td3+, et le mat est inévitable au cinquième coup. Par exemple : 3… g5 4.Td3+ Rxe4 (coup forcé) 5. Cf2# (5. Td4#) 3… Cc6 4. Td3+ Rxe4 (coup forcé) 5. Cf2# 3… Ff8 4. Td3+ Rxe4 (coup forcé) 5. Cf2# (5. Td4#) 3… c5 4. Td3+ Rxe4 (coup forcé) 5. Cf2# 3… f5 4. Td3+ Rxe4 (coup forcé) 5. Cf2# (5. Td4#)
Le Roi noir capture alors la Tour en e4 :
3…Rxe4
4.Td3!
Là encore, le Roi noir n’a plus aucune case de fuite, mais n’est pas en échec. Il n’est donc pas obligé de prendre la Tour en d3. Mais qu’il joue n’importe quel autre coup ou qu’il prenne la Tour, il se fait mater :
4…d5 (ou n’importe que autre coup) 5.Cf2# ou : 4…Rxd3 5.Cf2#
(Vous pouvez faire défiler les coups sur l’échiquier ci dessous.)
Voici un problème proposé dans l’ouvrage Winning Chess Puzzles for Kids de Jeff Coakley.
Jeff Coakley est un maître d’échecs canadien reconnu et l’un des meilleurs entraîneurs de son pays. Il a enseigné les échecs pendant plus de 30 ans, à Toronto, dans tout le Canada atlantique et sur Internet. Il est l’auteur des livres populaires Winning Chess … For Kids, éditeur du Scholar’s Mate Magazine, chroniqueur pour The Puzzling Side of Chess, et un organisateur de longue date d’événements d’échecs scolaires.
Pour résoudre un problème d’échecs, une bonne manière de procéder est parfois de penser « à l’envers », c’est-à-dire en partant de la position de mat final supposée, et en calculant à reculons. Ici, l’idéal serait de pouvoir placer la Dame blanche en h7 pour mater le Roi noir en h8. Mais comment y arriver ?
Il faudrait pouvoir positionner un Cavalier sur les cases f6 ou g5 pour contrôler le case h7. Mais malheureusement ces cases semblent bien défendues.
Une autre idée serait de placer le Fou en e4 pour contrôler la case h7, en supposant que l’on puisse évacuer les deux Cavaliers qui obstruent la diagonale. Mais les Noirs semblent pouvoir interposer sans problème le pion f en f5.
La solution émanera d’une combinaison de ces deux idées.
1.Cfg5 fxg5 (coup forcé pour éviter le mat avec 2.Dxh7#) Le pion f, possible bloqueur d’un Fou en e4 a ainsi été dévié sur la colonne g.
Il faut maintenant aussi empêcher le pion en f7 de se rendre en f5 en jouant : 2.Cf6 Fxf6 (coup forcé pour éviter le mat avec 3.Dxh7#) Le pion en f7 est maintenant bloqué par le Fou en f6 et ne pourra plus avancer.
Après 3.Fe4, les Noirs ne peuvent jouer aucun coup utile pour éviter 4.Dxh7#.
(Vous pouvez faire défiler les coups sur l’échiquier ci dessous.)
Pour mater le Roi noir, qui est complètement bloqué, on s’aperçoit rapidement que la promotion du pion a7 en Dame n’est pas la bonne solution. En effet après 1.a8D les Noirs jouent 1…d3. Et ensuite, quel que soit le coup joué par les Blancs, les Noirs sont pat !
La solution consiste donc à faire une sous-promotion pour permettre aux Noirs de jouer un coup forcé :
Après la publication de deux problèmes d’échecs composés par Sam Loyd et Eugene Cook sur notre site, voici un pur chef-d’œuvre créé par William Shinkman, un autre grand compositeur américain de problèmes d’échecs. Il est d’ailleurs considéré comme le successeur de Sam Loyd, dont il était l’ami.
La longue carrière de William Shinkman
William Anthony Shinkman est né le 25 décembre 1847 à Reichenberg, dans le royaume de Bohême. Il émigra aux États-Unis à l’âge de six ans et fut naturalisé américain. Il a exercé la profession d’agent d’assurance, mais en 1893, il fut élu greffier municipal de GrandRapids. La musique était un autre de ses passe-temps.
Il apprit à jouer aux échecs à seize ans et devint rapidement un fort joueur. Il se distingua particulièrement dans les parties d’échecs par correspondance et joua également sans difficultés des parties à l’aveugle.
Le magicien de Grand Rapids
La seconde moitié du dix-neuvième siècle était alors, aux États-Unis, l’âge d’or des problèmes d’échecs. La plupart des journaux et magazines américains publiaient des articles consacrés aux échecs, qui comportaient souvent un problème. Et il était fréquent, qu’en plus des concours de résolution de problèmes, il y ait aussi des concours de composition de problèmes ! En 1870, à l’âge de 23 ans, William Shinkman publia ses premiers problèmes d’échecs. Très rapidement, de nombreuses récompenses lui ont apporté une grande notoriété. En septembre 1871, trois premiers prix dans les concours organisés par le Dubuque Chess Journal lui ont été décernés. En 1876, il décrocha un premier prix dans le Lebanon Herald Tourney et, dans la même année, deux premiers prix dans le Free Press Tourney de Detroit. Il a dès lors été reconnu dans le monde entier comme l’un des plus grands compositeurs de problèmes d’échecs. Il fut surnommé « le magicien de Grand Rapids ». Il obtint ainsi des récompenses jusqu’en 1926, preuve incontestable de la longévité de sa carrière et de la reconnaissance de son l’habileté et de son imagination pour cet art. Maxwell Bukofzer a déclaré que William Shinkman était « le Beethoven de l’art des problèmes ».
Un compositeur prolifique
Sam Loyd (1841-1911), un autre problémiste américain célèbre à son époque et figure dominante dans le monde des échecs, a apprécié et encouragé son jeune ami Shinkman. Mais les plus beaux problèmes de Loyd ont été en grande partie composés dans les années 1856-1860. Ce dernier a ensuite publié relativement peu de problèmes après 1868. Alors qu’à partir de 1870, Shinkman a été continuellement actif durant près de six décennies, de sorte qu’il a dépassé de quatre ou cinq fois la production totale de Sam Lloyd. Et s’il n’avait pas tout à fait le même sens du spectacle que Sam Loyd, il avait en revanche plus de patience et de persévérance. Il a composé et publié plus de 3500 problèmes d’échecs, en couvrant une grande variété de thèmes, allant des exercices de mat en deux coups jusqu’à des problèmes de mat en plus de cent coups, des énigmes, des mats aidés, etc.
Il est décédé à l’âge de 86 ans, le 25 mai 1933, à Grand Rapids, ville située dans l’État du Michigan aux États-Unis, après avoir souffert d’une longue maladie.
L’histoire complète de la carrière de William Shinkman est racontée par son neveu Otto Wurzburg, également problémiste réputé, dans le livre publié en 1929, The Golden Argosy. Il y présente plus de 600 problèmes d’échecs composés par son oncle.
La position des Blancs est pour le moins délicate ! La Tour en g2 est clouée, Le Cavalier en a1 semble mal placé et le Roi blanc est cerné par les pièces adverses. Les Noirs ont un avantage matériel considérable. Les Blancs peuvent-ils éviter la défaite ?
Le Roi blanc pourrait bien capturer le Cavalier en jouant 1.Rxe6, mais les Noirs s’empareraient aussitôt de la Tour 1…Dxg2 et la situation semble désespérée pour les Blancs. Car 2.Ta8+ Rc7 3.Ce8+ Rc6 ne donne rien car le Roi noir arrive à s’échapper.
Que faire alors ?
Chercher les coups forcés
1.Ta8+! Rc7 (coup forcé)
2.Ce8+ Rd7 (coup forcé)
3.Cf6+ Le Roi noir a maintenant le choix entre deux coups : – 3…Rc7 Dans ce cas, les Blancs rejouent 4.Ce8+ Rd7 5.Cf6+ et si 5…Rc7, les Blancs peuvent obtenir la nulle car en rejouant 6.Ce8+, la même position apparaîtrait pour la troisième fois sur l’échiquier (½-½) (voir le rappel de la règle de la triple répétition de la position à la fin de l’article). Donc, si les Noirs ne veulent pas concéder la nulle, ils jouent 5…Re7 et on retrouve la ligne principale avec deux coups de retard : ou : – 3…Re7
4.Cg8+ Le Roi noir a de nouveau le choix entre deux coups : – 4…Rd7 Mais ce retour en arrière permet une nouvelle fois aux Blancs d’espérer une triple répétition de la position car après 5.Cf6+ Re7 6.Cg8+ et si 6…Rd7, les Blancs peuvent obtenir la nulle car en rejouant 7.Cf6+, la même position apparaîtrait pour la troisième fois sur l’échiquier (½-½). Donc, si les Noirs ne veulent pas concéder la nulle, ils jouent 6…Rf7 et on retrouve la ligne principale avec deux coups de retard : ou : – 4…Rf7
5.Ch6+ Le Roi noir a encore le choix entre deux coups : – 5…Re7 et comme à chaque retour en arrière du Roi, les Blancs reproduisent l’échec du coup précédent en jouant 6.Cg8+ avec leur Cavalier en espérant obtenir une triple répétition de la position. Et si les Noirs ne veulent pas concéder la nulle, ils jouent la ligne principale avec deux coups de retard, soit : ou : – 5…Rf6
6.Cg8+!(Attention ! Après 6.Cg4+?? Re7, les Blancs ne peuvent plus donner d’échec au Roi noir et perdent l’initiative !) 6…Rf5 (Si 6…Rf7 7.Ch6+ et les Noirs jouent la ligne principale avec deux coups de retard s’ils ne veulent pas risquer de concéder la nulle.)
À partir d’ici, la possibilité pour le Roi noir de revenir à chaque fois en arrière ne sera plus systématiquement notée pour ne pas alourdir le texte. A l’évidence, il est de l’intérêt des Noirs de ne pas provoquer prématurément une triple répétition de la position sur l’échiquier, qui serait synonyme de partie nulle (voir la fin de l’article).
7.Ce7+!(Attention ! Après 7.Ch6+?? Rf4, les Blancs ne peuvent plus donner d’échec au Roi noir et perdent l’initiative !) 7…Rf4
8.Cg6+(Le placement du Cavalier en g6 aura son importance plus tard.) 8…Re3 (Si 8…Rf3 9.Ch4+ Re3 et les Noirs jouent la ligne principale avec un coup de retard. Le placement du Cavalier en h4 aura son importance plus tard.)
9.Cc2+!(Attention ! Après 9.Cf5+?? Rd3, les Blancs ne peuvent plus donner d’échec au Roi noir et perdent l’initiative !) 9…Rd3 (9…Rf3 (si le Cavalier est resté en g6 comme noté plus haut) 10.Ch4+ Re3 et les Noirs jouent la ligne principale avec deux coups de retard.) (9…Rf4 (si le Cavalier est resté en h4 comme noté plus haut) 10. Cg6+ et les Noirs jouent la ligne principale avec deux coups de retard s’ils ne veulent pas prématurément pas concéder la nulle.)
10.Cb4+ Rc3 11.Ca2+ Rb3 12.Cc1+ Rb4 13.Ca2+ Rb5
Voilà donc le joli parcours effectué par le Roi noir depuis la position de départ, harcelé par les Cavaliers blancs qui virevoltent autour de lui (Diagramme 1).
Diagramme 1 : Parcours aller effectué par le Roi noir (ligne principale notée en gras), pour échapper aux échecs incessants des Cavaliers, parfaitement encadré par les Tours et le Roi blanc.
N’est-ce pas magnifique ? C’était annoncé dans le titre : William Shinkman est un artiste !
14.Cc3+ Le Roi noir n’a cette fois plus le choix entre deux coups !
Le Roi noir va donc devoir refaire ce parcours en sens inverse pour fuir les échecs incessants des Cavaliers blancs (Diagramme 2a et 2b). Comme sur son parcours aller, il aura à chaque coup deux réponses possibles, avancer ou revenir en arrière. Ces petites allées et venues risqueraient de faire apparaître trois fois la même position (voir la fin de l’article). Chaque possibilité pour le Roi noir de revenir en arrière ne sera pas notée ici pour ne pas alourdir le texte.
Diagramme 2a : Parcours retour que va effectuer le Roi noir, s’il est auparavant passé directement de la case f4 à la case e3 à l’aller (ligne principale notée en gras). Le Cavalier blanc étant alors resté en g6 depuis le 8e coup, le Roi noir devra passer par la case f3** (voir Diagramme 2b).
Diagramme 2b : ** Si le Roi noir est auparavant passé par la case f3 avant de se rendre sur la case e3 à l’aller (variante notée entre parenthèses au 8e coup noir). Le Cavalier blanc étant alors resté en h4 depuis le 9e coup, le Roi noir devra passer directement à la case f4. Le coup de retard par rapport à la ligne principale de la variante à l’aller est alors compensé par le coup en moins au retour.
14…Rb4 (coup forcé)
Et les Cavaliers blancs continuent de harceler le Roi noir pour lui faire faire le parcours dans l’autre sens :
15.Ca2+ Rb3 16.Cc1+ Rc3 17.Ca2+ Rd3 18.Cb4+ Re3 19.Cc2+ Rf3 (il faut bien noter la position du Cavalier en c2 ! Celui-ci ne bougera plus à partir de ce 19e coup.) (C’est ici que, si le Roi noir est auparavant passé par la case f3 avant de se rendre sur la case e3 à l’aller (variante notée entre parenthèses au 8e coup noir), le Cavalier blanc étant alors resté en h4 depuis le 9e coup et interdisant l’accès à la case f3, le Roi noir doit passer directement à la case f4 en jouant 20…Rf4 et rattrape la ligne principale et le coup de retard.)
20.Ch4+ Rf4 21.Cg6+ Rf5 (L’autre Cavalier blanc est toujours en c2.) 22.Ce7+ Rf6 23.Cg8+ Rf7 24.Ch6+ Re7 25.Cg8+ Rd7 26.Cf6+ Rc7
Après avoir effectué ce long trajet aller-retour et lorsque le Roi noir arrive de nouveau sur la case c7, les Blancs jouent Ce8+, forçant le malheureux monarque à recommencer le parcours. Même si cette fois-ci, il ne pourra pas le refaire dans son intégralité, car il sera stoppé en f3 par le Cavalier resté en c2 depuis le 19e coup (Diagramme 3).
La partie semble alors pouvoir durer éternellement, aucune pendule n’étant utilisée par les deux camps dans la résolution d’un problème !
Heureusement, les règles du jeu d’échecs prévoient une issue dans ce cas. La partie peut être est déclarée nulle par ces deux règles qui sont rappelées à la fin de cet article : – La triple répétition de la position ; – Les 50 coups achevés sans mouvement de pion ni aucune prise.
Laquelle devra être appliquée dans ce cas ?
Diagramme 3 : Chemin à parcourir pour le deuxième passage aller par le Roi noir.
Le Cavalier blanc continue donc à harceler le Roi noir en attendant l’application de l’une des deux règles permettant de réclamer la partie nulle :
27.Ce8+ Rd7 (coup forcé) 28.Cf6+ Re7 29.Cg8+ Rf7 30.Ch6+ Rf6 31.Cg8+ Rf5 32.Ce7+ Rf4 33.Cg6+ Rf3 (L’autre Cavalier blanc est toujours en c2.) 34.Ch4+
Le Roi noir n’a cette fois plus de choix entre deux coups puisque le Cavalier blanc en c2 contrôle la case e3 !
Il se prépare donc à rebrousser chemin sur ce parcours, tronqué cette-fois ci, puisque le Cavalier blanc établi en c2 ne bouge plus et verrouille le passage en contrôlant la case e2 (diagramme 4).
Diagramme 4 : Chemin que s’apprête à parcourir le Roi noir pour le deuxième passage retour.
34…Rf4 (coup forcé) 35.Cg6+ (L’autre Cavalier blanc est toujours en c2.)
Mais, avec ce 35e coup des Blancs, la même position vient d’apparaître pour la troisième fois sur l’échiquier. Car depuis le 20e coup, le Cavalier blanc initialement placé en a1 est toujours en c2, et seuls le Roi noir et le Cavalier blanc initialement placé en f6 sont en mouvement sur l’échiquier. Il a donc suffi d’attendre que la position atteinte au 21e coup apparaisse encore deux fois de plus sur l’échiquier, au 33e et au 35e coup (coups notés en bleu dans le texte).
Conclusion
Les Blancs évitent donc la défaite en obtenant la partie nulle au 35e coup, grâce à l’application de la règle de la triple répétition de la position, dans l’hypothèse étudiée ci dessus, où le Roi noir, lorsqu’il a le choix entre plusieurs coups, choisit toujours d’avancer et renonce à revenir dans la position du coup immédiatement précédent, sauf lorsqu’il y est contraint par un coup forcé, c’est-à-dire suit la ligne principale notée en gras dans le texte (voir la fin de l’article). (½-½)
(Vous pouvez faire défiler les coups sur l’échiquier ci dessous.)
Mais…
Que se passe-t-il si le Roi noir, très malin traîne des pieds durant sa promenade forcée, en revenant sans cesse sur ses pas, tout en essayant d’éviter de répéter prématurément trois fois la même position ?
Pour simplifier, seules les cases empruntées par le Roi noir sont notées ci dessous. Et les cases traversées par le Roi après l’établissement définitif du Cavalier blanc sur la case c2 sont marqués en gras.
Le parcours linéaire direct de la ligne principale décrite précédemment, qui mène à une triple répétition de la position au 35e coup, surlignée en bleu, peut donc être notée ainsi :
Voici une autre variante du parcours (parmi d’autres) que pourrait effectuer le Roi noir, en intercalant un maximum de petits aller-retours, notés en rouge :
Dans cette variante, le Roi noir peut donc effectivement gagner six temps par de petits allers-retour avant que le Cavalier initialement en a1 s’installe définitivement en c2. Après, en revanche, il ne peut retarder que d’un temps l’apparition de la même position pour la troisième fois. Cette autre variante du parcours mène donc aussi à une triple répétition de la position, surlignée en bleu, mais au 42e coup, cette fois-ci.
La règle des 50 coups achevés sans mouvement de pion ni aucune prise n’a donc pas l’occasion d’être appliquée dans la résolution de ce problème d’échec.
Bien-sûr, cet article n’a pas la prétention d’explorer exhaustivement toutes les variantes, juste d’évoquer la belle complexité de ce problème.
Et…
Si vous avez lu cet article jusqu’au bout, c’est que vous avez sans doute été fasciné autant que moi par ce problème d’échecs extraordinaire. La beauté de la géométrie, la précision des coups et cette touche d’humour qui accompagne ce long périple forcé du malheureux monarque noir sont assurément le fruit d’un esprit génial et hors norme. Celui du « magicien de Grand Rapids ». Bravo l’artiste !
Jean-Étienne Haeuser
Petit rappel précis des deux règles évoquées dans cet article :
Pour mettre un terme à une partie qui pourrait durer éternellement à cause de ce qu’on appelle communément les « répétitions de coups », il existe deux règles du jeu d’échecs qui méritent d’être précisées, principalement à l’attention des joueurs amateurs ou débutants :
– La triple répétition de la position ; – Les 50 coups achevés sans mouvement de pion ni aucune prise.
La règle de la partie nulle par triple répétition de la position
9.2. La partie est nulle, sur une demande correcte du joueur ou de la joueuse ayant le trait, lorsque la même position, pour la troisième fois au moins (pas nécessairement par une répétition de coups) : 9.2.1. est sur le point d’apparaître, si il ou elle indique d’abord son coup, qui ne peut plus être changé, en l’écrivant sur sa feuille de partie en papier ou en le notant sur sa feuille de partie électronique et déclare à l’arbitre son intention de jouer ce coup, ou 9.2.2. vient d’apparaître et que le joueur ou la joueuse réclamant la nulle a le trait. 9.2.3. Les positions sont considérées comme identiques, si et seulement si, la même personne a le trait, les pièces de même nature et de même couleur occupent les mêmes cases et les coups possibles de toutes les pièces des deux adversaires sont les mêmes. Par conséquent, les positions sont différentes, si : 9.2.3.1. Au début de la séquence, un pion pouvait être pris en passant ; 9.2.3.2. Un Roi avait le droit de roquer avec une Tour qui n’avait pas bougé, mais l’a perdu après avoir bougé. Le droit de roquer n’est perdu qu’après le déplacement du Roi ou de la Tour.
La règle des 50 coups achevés sans mouvement de pion ni aucune prise
9.3. La partie est nulle, sur une demande correcte du joueur/de la joueuse ayant le trait, si : 9.3.1. il ou elle indique son coup, qui ne peut être changé, en l’écrivant sur sa feuille de partie en papier ou en le notant sur sa feuille de partie électronique et déclare à l’arbitre son intention de jouer ce coup ayant pour conséquence que les 50 derniers coups ont été joués par chacun des deux adversaires sans mouvement de pion ni aucune prise, ou 9.3.2. les 50 derniers coups ont été achevés par chacun des deux adversaires sans mouvement de pion ni aucune prise.
Extraits du chapitre 9 du Livre de l’Arbitre, édité par la DNA (Direction Nationale de l’Arbitrage) de la FFE (Fédération Française des Échecs), reprenant les règles dictées par la FIDÉ (Fédération Internationale Des Échecs).
Cette fois-ci, contrairement à un autre problème d’échecs proposé récemment sur notre site, la question posée n’est pas « Les Blancs peuvent-ils gagner ? » Il convient plutôt de se demander si les Blancs peuvent ne pas perdre, tellement leur position semble désespérée ! Les Blancs accusent un retard matériel de 16 points ! Et pourtant, une fois encore, la beauté du jeu d’échec se révèlera à vos yeux lorsque vous découvrirez la solution de ce problème, composé en 1856 par Eugene Cook.
Eugene Cook
Le compositeur américain de problèmes d’échecs, Eugene Beauharnais Cook, est né le 18 mai 1830 à New York et mort le 19 mars 1915 à Hoboken. Eugene Cook fut, avec Sam Loyd et William Shinkman, l’un des premiers membres de l’école nord-américaine de problèmes d’échecs. Il est le coauteur de American Chess Nuts, une collection de plus de 2 400 problèmes et études, parue en 1868, représentant les débuts du problème d’échecs aux États-Unis. Sa bibliothèque personnelle comportait plus de trois mille ouvrages, seulement dépassée par celle de Alain White.
Après sa mort, 650 problèmes d’Eugene Cook ont été recueillis en 1927 dans The Chess Companion of E. B. Cook of Hoboken.
Le problème
Attention à la position assez particulière : Les deux Rois semblent avoir joué à « on a échangé nos maisons » ! Les Blancs, par exemple, ont donc bien la possibilité d’amener leur pion g à promotion sur la prise du Fou en f6 ou du Cavalier en h8. Quant aux Noirs, ils pourraient mener leur pion g à Dame en g1.
Les Blancs peuvent-ils éviter la défaite ?
Les Blancs ont le trait.
À vous de jouer !
« On n’a jamais gagné une partie en abandonnant. »
Xavier Tartacover (ou Savielly Tartakover) (1887-1956), joueur d’échecs austro-hongrois, puis polonais, naturalisé français
En observant attentivement cette position, on remarque tout d’abord que les pions blancs en g7 et h7 ne sont qu’à une case de la promotion. Mais, 1.gxf8D perd immédiatement car 1…Txf8# et 1.gxh8D ne mène à rien car 1…Fa3 menace le mat par la Tour en f8 tout en neutralisant l’échec à la découverte que pourrait donner la Tour en c1. La victoire noire est inéluctable, d’ailleurs Stockfish annonce un mat en 13 coups.
Le coup qui saute aux yeux est bien sûr la possibilité de faire un échec à la découverte en jouant par exemple 1.Cxd3+. Certes, c’est une fourchette, mais après 1…Re2 2.Cxf4+ Txf4 la prise de la Tour contre le Cavalier ne permet pas de rattraper l’immense retard matériel des Blancs. Même si 3.gxh8D, les Noirs peuvent jouer 3…Fd6 pour menacer le mat par la Tour en f8. La seule réponse pour tenter d’y survivre est de sacrifier la Dame en jouant 4.Dg7 Cxg7. Et même avec 5.h8D, les Noirs gagneront aisément grâce à leur avantage matériel.
Le bon coup qui permet aux Blancs d’éviter la défaite, grâce à une suite de coups forcés, est :
1.Cf3+ La réponse des Noirs est forcée: Re2 2.Te1+ La réponse des Noirs est forcée: Rxf3 3.Te3+! La réponse des Noirs est forcée: Rxe3 4.gxh8T! et c’est pat après n’importe quel coup des Noirs. (½-½)
(Vous pouvez faire défiler les coups sur l’échiquier ci dessous.)